Tài liệu Đề tài Phân tích ngôn ngữ quảng cáo: UNIVERSITẫ NATIONALE DE HANOẽ
ẫCOLE SUPẫRIEURE DE LANGUES ẫTRANGẩRES
FACULTẫ POST-UNIVERSITAIRE
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MẫMOIRE DE MASTER
ANALYSE LINGUISTIQUE DE LA PUBLICITẫ
Rộalisộ par : Nguyễn Thị Thanh Tuyền
Spộcialitộ : Linguistique franỗaise
Promotion : 11
Sous la direction du : Dr. Vũ Thị Ngân
Hanoù 2006
UNIVERSITẫ NATIONALE DE HANOẽ
ẫCOLE SUPẫRIEURE DE LANGUES ẫTRANGẩRES
FACULTẫ POST-UNIVERSITAIRE
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Luận văn thạc sĩ
phân tích ngôn ngữ quảng cáo
Chuyên ngành : Ngôn ngữ tiếng Pháp
Mã số chuyên ngành : 60.22.20
Họ và tên : Nguyễn Thị Thanh Tuyền
Khoá học : 11
Người hướng dẫn : Tiến sĩ Vũ Thị Ngân
Hà nội – 2006
REMERCIEMENTS
Nous tenons tout d’abord à remercier Madame Vu Thi Ngan d’avoir dirigộ d’un bout à l’autre notre travail et de nous avoir donnộ des suggestions et des remarques trốs utiles.
Nous aimerions remercier tous nos collốgues qui nous ont beaucoup encouragộe et nous ont aidộe dans le travail pour que nous ayons du temps à rộaliser ce mộm...
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UNIVERSITÉ NATIONALE DE HANOÏ
ÉCOLE SUPÉRIEURE DE LANGUES ÉTRANGÈRES
FACULTÉ POST-UNIVERSITAIRE
-----***-----
MÉMOIRE DE MASTER
ANALYSE LINGUISTIQUE DE LA PUBLICITÉ
Réalisé par : NguyÔn ThÞ Thanh TuyÒn
Spécialité : Linguistique française
Promotion : 11
Sous la direction du : Dr. Vò ThÞ Ng©n
Hanoï 2006
UNIVERSITÉ NATIONALE DE HANOÏ
ÉCOLE SUPÉRIEURE DE LANGUES ÉTRANGÈRES
FACULTÉ POST-UNIVERSITAIRE
-----***-----
LuËn v¨n th¹c sÜ
ph©n tÝch ng«n ng÷ qu¶ng c¸o
Chuyªn ngµnh : Ng«n ng÷ tiÕng Ph¸p
M· sè chuyªn ngµnh : 60.22.20
Hä vµ tªn : NguyÔn ThÞ Thanh TuyÒn
Kho¸ häc : 11
Ngêi híng dÉn : TiÕn sÜ Vò ThÞ Ng©n
Hµ néi – 2006
REMERCIEMENTS
Nous tenons tout d’abord à remercier Madame Vu Thi Ngan d’avoir dirigé d’un bout à l’autre notre travail et de nous avoir donné des suggestions et des remarques très utiles.
Nous aimerions remercier tous nos collègues qui nous ont beaucoup encouragée et nous ont aidée dans le travail pour que nous ayons du temps à réaliser ce mémoire.
Un merci particulier à ma famille pour nous avoir soutenue et aidée durant ce travail.
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 1
CHAPITRE I :
GÉNÉRALITÉS SUR LA PUBLICITÉ 5
QU’EST-CE QU’UNE PUBLICITÉ ? 5
HISTOIRE DE LA PUBLICITÉ 6
SUPPORTS PUBLICITAIRES 8
Télévision 8
Radio 9
Internet 10
Presse écrite 11
Affiche 11
CONSTITUANTS DU DISCOURS PUBLICITAIRE 12
Éléments iconiques 12
Composantes de l’image publicitaire 12
Rhétorique de l’image publicitaire 14
Éléments linguistiques 15
Slogan 16
Pavé rédactionnel 18
Marque 19
Éléments composites 20
Rapport texte/image 21
CARACTÉRISTIQUES DE LA PUBLICITÉ 22
Créativité 22
Emprunt ou plagiat publicitaire 24
Exagération 26
Humour 28
Esthétique 30
CHAPITRE II :
ANALYSE LEXICALE DU TEXTE PUBLICITAIRE 33
1. NÉOLOGIE OU CRÉATIVITÉ LEXICALE 33
1.1. Mot-valise 34
1.2. Modification orthographique 35
1.3. Changement de classe du mot 36
2. FIGURES DE RHÉTORIQUE 37
2.1. Métaphore 37
2.2. Métonymie 39
2.3. Hyperbole 41
3. RELATIONS DE SENS 42
3.1. Antonymie 42
3.2. Hyperonymie et hyponymie 43
3.3. Homonymie 45
3.4. Polysémie 46
CHAPITRE III :
ANALYSE SYNTAXIQUE DU TEXTE PUBLICITAIRE 48
1. RELATIONS SYNTAXIQUES 48
1.1. Relations parataxiques 48
1.1.1. Juxtaposition 48
1.1.2. Coordination 50
1.2. Relations de subordination 55
1.2.1. Relative 55
1.2.2. Subordonnée conjonctive 55
1.2.3. Structures de mise en relief 57
2. EMPLOI DE MODES ET DE TEMPS 58
2.1. Modes 58
2.2. Temps 60
CHAPITRE IV :
ANALYSE PRAGMATIQUE DU TEXTE PUBLICITAIRE 63
1. COMMUNICATION PUBLICITAIRE 63
1.1. Un cadre communicationnel singulier 63
1.2. Modèles communicationnels 64
1.2.1. Modèles communicationnels unilatéraux 64
1.2.2. Structure interactive 65
2. PUBLICITÉ COMME ACTE DE LANGAGE INDIRECT 74
3. ARGUMENTATION PUBLICITAIRE 77
3.1. Chemin de la persuasion publicitaire 77
3.2. Catégories d’arguments 79
3.3. Mise en texte de l’argumentation publicitaire 84
3.3.1. Séquence argumentative de base 85
3.3.2. Étayage argumentatif des propositions 86
3.3.3. Syllogisme et enthymème 87
CHAPITRE V :
RÉFLEXIONS SUR L’APPLICATION PÉDAGOGIQUE 90
1. POURQUOI LA PUBLICITÉ EN CLASSE DE LANGUE ? 90
2. Q UELLE PUBLICITÉ EN CLASSE DE FLE ? 92
3. ANALYSE GLOBALE D’UNE PUBLICITÉ 93
4. PROPOSITIONS D’ACTIVITÉS 95
5. EXEMPLES D’ACTIVITÉS 97
6. FICHE PÉDAGOGIQUE 100
CONCLUSION 102
BIBLIOGRAPHIE 104
INTRODUCTION
I. Justification du choix du sujet
Parallèlement à l’explosion des moyens de communication et l’apparition des masses médias, la publicité prend une importance de plus en plus grande jusqu’à devenir une science en soi qui influence en profondeur nos modes de vie quotidiens. L’objectif de la publicité ne se limite plus simplement à faire connaître et à vanter les qualités d’un produit, mais également à capter l’attention des clients potentiels et à susciter chez eux des désirs et des sentiments initiateurs de ventes. La publicité se doit de bien cibler ses objectifs ainsi que les méthodes pour y parvenir. Pour cela, la publicité doit regrouper à la fois des aspects commerciaux, sociaux, linguistiques, littéraires, culturels, psychologiques... Elle fait l’objet de recherches régulières de la part de nombreux chercheurs en sciences humaines.
Au Vietnam, il n’existe qu’un nombre modeste de publications qui ont étudié la publicité dans un but essentiellement commercial, sociologique ou psychologique. Bien que quelques thèses et mémoires de fin d’études de master en vietnamien ou en anglais aient traité des aspects linguistiques, aucune recherche sur l’aspect linguistique de la publicité n’a été menée par un enseignant de langue et à fortiori par un enseignant de français. Il est certain que les études du langage publicitaire réalisées par un enseignant en langue ne seront pas basées sur les mêmes considérations et sur les même intérêts que celles d’un économiste ou d’un psychologue parce qu’elles doivent avant tout contribuer à l’enseignement et à l’apprentissage de la langue.
Mais qu’est-ce qui peut pousser et motiver une enseignante telle que nous à accorder une telle importance à un domaine aussi spécialisé et aussi irrégulier que celui du discours publicitaire ?
C’est avant tout un bon souvenir de l’université. En effet, une des rares séances de cours qui nous a beaucoup impressionnée est celle de l’expression orale où l’enseignant a introduit une publicité d’une revue comme document authentique. Nous avons tous participé activement au cours ce jour-là, même les étudiants les plus réservés et silencieux de la classe. Rétrospectivement, nous pensons que les points les plus intéressants de ce cours étaient multiples. D’une part, nous avons vu une très belle photo amusante avec deux slogans pleins de connotations qui ont permis d’aiguiser notre intérêt. D’autre part, l’enseignant nous a donné une grande liberté d’interpréter la publicité et de créer ensuite des slogans en rapport à cette publicité, nous permettant ainsi de mettre directement en pratique les connaissances linguistiques acquises lors des années précédentes. Globalement, nous avons eu l’impression de mobiliser toute notre imagination, notre créativité et surtout notre personnalité. Ce simple souvenir nous a appris que la publicité pouvait tout à la fois amuser et motiver les étudiants dans leur apprentissage.
Une autre raison fondamentale du choix du sujet sur la publicité vient tout autant des expériences que nous avons vécues avec nos étudiants. Dans les méthodes de français, on accorde une place importante à la publicité, à savoir le Nouvel Espaces, Panorama, Français.com, ... En effet, la publicité présente un aspect à la fois didactiquement très riche et massivement entrelacé avec la vie réelle. D’ailleurs, linguistiquement, elle forme une source inépuisable d’apprentissage. « En tant que production verbale et de par son orientation essentiellement soit argumentative, soit pragmatique, le texte publicitaire constitue à la fois un ensemble cohérent et un tissu de relations couvrant tous les niveaux d’ordre : thématiques, syntaxiques, narratifs, énonciatifs, figurés, sonores, iconiques, ... » TSOFACK J.-B., 2002, Thèse de doctorat Sémiotique-stylistique des stratégies discursives dans la publicité au Cameroun, Département de linguistique générale Université Marc Bloch - Strasbourg II, p.113
Cette variété fait de la publicité un support pédagogique efficace et original mais qui peut aussi poser aux enseignants et aux étudiants des problèmes considérables. Nous avons ainsi entendu certains collègues remarquer qu’ils sont parfois confrontés à des difficultés dans l’exploitation de quelques publicités dues à un manque de connaissances sur les mécanismes publicitaires et surtout sur la signification des signes publicitaires.
De surcroît, nous sommes enseignante à l’École Supérieure de Commerce, la publicité fait partie intégrante du domaine d’étude des étudiants. Évidemment, le travail sur la publicité présente de ce fait beaucoup d’intérêts et de motivations pour eux parce qu’ils peuvent mobiliser leurs connaissances acquises en cours de marketing pour bien remplir la tâche qui leur est proposée.
Au vu de ces bénéfices de la publicité et des difficultés qui ont été rencontrées lors de l’enseignement de celle-ci, nous avons décidé de mener une recherche scientifique sur le langage publicitaire afin de mieux l’exploiter au sein d’une classe de langue.
II. Présentation du corpus
Au début, nous avions l’intention d’exploiter à la fois les publicités à la télévision et dans les journaux. Mais devant l’extension et la complexité de l’étude et du fait du temps limité alloué pour cette recherche, nous avons recentré notre attention sur la publicité écrite qui constitue un support publicitaire en même temps traditionnel et efficace. Le corpus est constitué de 80 publicités extraites des méthodes de français telles que Campus, Panorama, le Nouvel Espaces, Champion, Français.com, Taxi, Forum, Café crème, Reflet et auxquelles ont été ajoutées plus de 200 publicités qui ont été choisies sur différents sites internet, notamment et Le choix de ces publicités sur internet a été motivé du fait que les publicités présentes dans les méthodes ne sont pas très variées du point de vue linguistique et iconographique. Toutes les publicités présentées par la suite ont été sélectionnées d’une part pour leur intérêt pédagogique et d’autre part pour leur apport aux objectifs des analyses linguistiques.
III. Questions de recherche
En partant de la problématique qui se pose dans le cadre de l’analyse publicitaire en classe de langue, la progression proposée à travers ce mémoire linguistique nous amènera à répondre à ces questions suivantes :
Quelle est l’histoire de la publicité ?
Quels sont les principaux types existants de publicité ?
Quelles sont les composantes et les caractéristiques générales de la publicité de presse écrite ?
Quelles sont les caractéristiques syntaxiques, lexicales et pragmatiques du texte publicitaire ?
Quel est l’intérêt de la publicité pour une classe de langue ?
Quelles sont les propositions d’activités d’exploitation et de choix des publicités introduites dans une classe de langue ?
IV. Méthodologie de recherche
La recherche descriptive constituera le « fil rouge » de cette étude qui reposera sur l’observation du corpus des centaines de publicités sélectionnées à partir de la presse écrite francophone. Parmi les démarches d’investigation potentielles concernant ce type de recherche, l’analyse des données langagières est celle qui sera adoptée dans la première partie de ce mémoire, sachant, de plus, que c’est celle qui est la plus souvent privilégiée dans le domaine des sciences du langage. Par la suite, nous nous reposerons essentiellement sur des théories linguistiques - la base des grilles d’analyse et des classifications employées pour aborder les différents aspects linguistiques de la publicité.
De plus, toutes les analyses linguistiques présentées seront inspirées du courant pragmatique, c’est-à-dire que l’analyse du message ne se limite pas à étudier l’enveloppe linguistique neutre contenant l’information active destinée à un lecteur, mais elle s’intéresse en même temps à l’intention du publicitaire et aux divers facteurs socio-contextuels.
La problématique abordée dans ce mémoire nécessitera également l’introduction et l’usage de la notion de « recherche-action » dont l’application sera limitée au dernier chapitre, à l’étape d’élaboration de propositions d’intervention pédagogiques.
V. Structure du mémoire
Dans le premier chapitre, nous tenterons de fournir une vision d’ensemble de la publicité à travers une brève découverte de l’histoire de la publicité et de ses principaux types. Tout particulièrement, nous nous attacherons à l’étude des constituants d’une publicité choisie et à ses caractéristiques pour montrer que la création publicitaire constitue en soi une véritable œuvre d’art moderne.
Dans les trois chapitres suivants, nous analyserons le message publicitaire sur le plan syntaxique, lexical et pragmatique en relevant les éléments linguistiques qui caractérisent ce type de discours et qui participent à la persuasion publicitaire.
Le dernier chapitre est destiné à l’application pédagogique. Pour ce faire, l’analyse détaillée dans les chapitres deux, trois et quatre en servira de base dans le cadre d’une classe de langue. Dans un premier temps, nous expliquerons en quoi il est profitable d’introduire la publicité comme support de l’enseignement/apprentissage. Puis, dans un deuxième temps, nous verrons de quelles publicités il est possible de profiter et quelles activités il est possible d’en tirer.
CHAPITRE I
GÉNÉRALITÉS SUR LA PUBLICITÉ
En publicité, l'objet du désir se transforme en désir de l'objet et
les choses de l'amour en l'amour des choses.
François Brune
Le domaine de la publicité est vaste et varié. Il est difficile d’en cerner exactement tous les tenants et aboutissants. Dans un premier temps, il est nécessaire de définir le mot « publicité » afin d’en avoir une compréhension commune et rigoureuse.
1. Qu’est-ce qu’une publicité ?
Le terme « publicité » a été attesté pour la première fois en 1689 avec le sens d’action de porter à la connaissance du public, puis « notoriété publique » en 1694. Pourtant, jusqu’au XIXè et au début du XXè siècle, on parlait essentiellement d’annonce ou de réclame au lieu de publicité.
Ci-dessous sont reportées quatre différentes définitions équivalentes de la publicité. Elles ont été tirées de différentes sources.
« La publicité est l'action consistant à faire connaître une information ou un produit au public. C'est aussi le moyen par lequel l'information est délivrée : annonce-presse dans un journal, spot publicitaire à la radio ou à la télévision, affiche sur la voie publique, etc. sont des publicités. » (Définition tirée du site Internet
« Constitue une publicité toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir les dites inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités» (article L 581-3 du Code de l'environnement)
« Toute forme monnayée de présentation et de promotion non interactive d'idées, de biens et de services émanant d'un annonceur identifié comme tel. » (Définition de Kotler & Dubois in "Marketing Management")
La publicité est définie dans le petit Robert comme "un ensemble des moyens de communication destinés à faire connaître un produit et d'inciter le public à l'acquérir, par un moyen de communication de masse".
La première remarque que l’on peut faire concernant ces définitions, c’est que le mot publicité recouvre en fait plusieurs facettes différentes.
Premièrement, le mot publicité désigne un message, une information ou une idée que l’on désire faire transmettre à une audience.
Deuxièmement, le mot publicité fait aussi référence aux moyens techniques et physiques mis en œuvre pour faire passer le message.
Troisièmement, le mot publicité fait de même référence aux moyens rhétoriques et psychologiques pour faire passer le message et pour convaincre.
Quatrièmement, le mot publicité recouvre tout un aspect mercantile caché ou visible qui va de paire avec l’extension de l’économie de marché. Aucune publicité n’est gratuite.
Cinquièmement, le mot publicité peut tout aussi bien être appréhendé du point de vue sociologique. Quelle est la synergie existante entre la société actuelle, son évolution et la publicité ?
Les différents points de vue brièvement exposés ci-dessus révèlent l’étendue des domaines touchés par la publicité, leurs interconnections et leurs degrés de complexité. La liste donnée ici n’est aucunement exhaustive.
2. Histoire de la publicité
Le discours publicitaire est une pratique discursive qui n’est pas intemporelle. Comme tout genre discursif, la publicité a une histoire et s’inscrit dans l’évolution de la société.
Au sens large de séduction commerciale, la publicité est peut-être aussi vieille que l’apparition de l’écriture. En effet, on a trouvé à Babylone des inscriptions de plus de 5000 ans vantant les mérites d’un artisan.
Au 7è siècle avant Jésus-Christ, sous la dynastie Zhou, une publicité musicale faite par des joueurs de flûte a attiré l’attention des gens aux marchés en Chine.
Quelques siècles plus tard, les commerçants de Pompéi profitaient des slogans à la structure argumentative et au style périodique bien élaborés dans l’esprit de l’art rhétorique pour faire l’éloge de leur bon vin :
« Si vous dépensez 2 as, vous boirez du très bon vin ; si vous en dépensez 4, ce sera du vin de Falerne. » (Falerne)
Ce slogan est composé d’un double mouvement argumentatif formé de deux propositions :
Si proposition p [2 as], alors proposition q [très bon vin]
Si proposition p’ [4 as], alors proposition q’ [vin de Falerne]
Il s’agit de l’argumentation fondée sur le modèle inductif de la construction hypothétique. Ainsi la stratégie argumentative était-elle déjà prise en compte.
Pourtant, la publicité n’a connu un vrai tournant qu’avec le développement de l’imprimerie et la naissance de la presse. En 1629, Théophraste Renaudot a fondé le premier « Bureau d’adresses et de rencontres », sorte d’agence de petites annonces, répertoriant les demandes et les offres les plus diverses. Rencontrant un vif succès, il a publié, avec le soutien de Richelieu, La Gazette enrichie, à partir de 1631, de feuilles volantes reproduisant les petites annonces.
La publicité s’est développée à un rythme considérable pendant la révolution industrielle. La fabrication en série et l’augmentation de la productivité ont abouti à une diversification et à un accroissement de la production. Si au XVIIè et au XVIIIè siècle, les petites annonces sous forme d’affiches et de prospectus pratiquaient un type de mise en texte conforme au modèle livresque et à l’écriture littéraire, au XIXè siècle et surtout à la fin du siècle, elles étaient considérées comme de véritables oeuvres d’art grâce à l’adoption d’un seconde système sémiotique, essentiellement visuel, celui de l’image. L’invention de la lithographie, de la chromolithographie et surtout la mise au point des machines à imprimer les grands formats favorisaient le développement de ce nouveau système. Des peintres tels que Toulouse-Lautrec, Steinlen se sont mis à produire des affiches publicitaires. L’art était donc mis au service du commerce :
« [...] Oui, vraiment, la publicité est la plus belle expression de notre époque, la plus grande nouveauté du jour, un Art. Un art qui fait appel à l’internationalisme, au polyglottisme, à la psychologie des foules, et qui bouleverse toutes les techniques statiques ou dynamiques connues, en faisant une utilisation intensive, sans cesse renouvelée et efficace de matières nouvelles et de procédés inédits». ADAM J.M. et BONHOMME M., 2005, L’argumentation publicitaire, Paris, A. Colin, p. 4
Dans les années 20, les messages publicitaires envahissaient de plus en plus l’univers quotidien des sociétés industrialisées.
De nos jours, la publicité se présente sous diverses formes, participant au développement de la société de consommation. Elle est devenue un mécanisme indispensable au fonctionnement et au développement des sociétés libérales où le problème n’est plus de produire mais de vendre pour assurer un cycle d’écoulement continuel des marchandises. Avec le développement de la technologie de la communication, elle connaît un essor rapide sans précédent.
Quant à la persuasion, elle est de plus en plus réfléchie et calculée. Divers genres de publicité sont mis en oeuvre : la publicité mécaniste des années 50, les publicités suggestive et projective des années 60 et la publicité ludique développée vers les années 70 avec le grand succès de l’agence Poux Séguéla.
À travers ce survol historique du discours publicitaire, il est à conclure que le discours constitue un genre mou, faiblement défini, hétérogène et instable, dont la seule ligne directrice est d’inciter à la consommation commerciale.
3. Supports publicitaires
Dans notre société moderne, la publicité est présente tous les jours autour de nous à tous les coins de notre vie, allant de la télévision à la radio en passant par les affiches dans la rue, les prospectus distribués dans les boîtes aux lettres, ... Parmi différentes méthodes de classification de publicités, nous avons décidé de les classer selon le type de média utilisé pour les diffuser en raison de sa grande simplicité. Ainsi peut-on différencier si la campagne publicitaire se fait par la télévision, la radio, l’Internet, la presse écrite ou les affiches.
3.1. Télévision
La télévision est un mode de communication dynamique, en ce sens que l’image n’est pas immobile. Depuis l’apparition du son et ensuite de l’image en couleur, la télévision est devenue le mode de communication par excellence de la publicité où elle peut exprimer toute sa créativité. La télévision permet une utilisation symbiotique du son et de l’image afin de diffuser un message plus profond de sens et plus interactif. Il est par exemple possible de faire appel à l’humour, l’information, la peur, la curiosité, l’envie, ... dans une publicité. L’image peut transmettre le même message que le slogan ou un message différent. Il est même possible que la publicité ne contienne pas du tout de slogan et que l’image se suffise à elle-même.
Quelle est l’adéquation de sens entre l’image et le texte dans un spot publicitaire ? Quand il y a adéquation de sens entre image et texte (qu’il soit écrit ou parlé), les deux aspects de la télévision se complètent pour transmettre un même message, ce qui permet de donner une plus grande force de persuasion au message. L’adéquation de sens crée un message généralement plus facile à comprendre, plus simple et donc potentiellement accessible à un plus grand nombre de personnes. Pourtant, il existe parfois la contradiction entre image et texte qui peut créer des ambiguïtés pour rendre des messages plus forts.
Depuis longtemps, nous avons une remarque très intéressante à faire. Les enfants possèdent la caractéristique de considérer leur environnement comme « allant de soi » et ne semblent globalement pas avoir d’opinion négative vis-à-vis de la publicité par eux-mêmes. Pourtant, chaque fois qu’ils écoutent ou regardent une publicité à la télévision, ils ne peuvent plus la quitter. De plus, ils ont la capacité de retenir facilement les slogans chantés et les musiques de publicités. Qu’est-ce qui rend la publicité distinctive de tant d’émissions très variées et pas moins attirantes ? C’est sans aucun doute sa belle mélodie et ses images vivantes qui constituent son atout, et ceci permettant à la télévision d’être toujours le support privilégié des entreprises pour toucher un maximum de consommateurs.
3.2. Radio
La radio a eu un impact tout aussi important que la télévision sur notre vie de tous les jours et sur les sociétés modernes. Il n’est donc pas étonnant que la publicité en ait fait un usage extensif afin de toucher la plus grande audience possible.
À la différence de la télévision, il n’y a pas d’image pour attirer notre attention. La totalité du message publicitaire doit nécessairement se faire oralement. La radio est le seul moyen de communication ayant cette particularité de n’utiliser que notre ouïe pour communiquer.
Une annonce publicitaire par radio est constituée le plus souvent de quatre étapes successives :
- Souvent l’annonce publicitaire utilise un bruit inhabituel qui ne passe pas inaperçu dans le paysage sonore de tous les jours pour capturer l’attention et ensuite délivrer le message. Par contre, il est également possible d’utiliser le silence afin d’attirer l’attention de l’auditeur. Ce type d’introduction est plus généralement réservé à des publicités à caractère sobre.
- Ensuite, l’annonce essaie de reproduire de façon caricaturale des situations de la vie quotidienne auxquelles on peut facilement s’identifier. Par exemple un couple discutant chez lui ou dans une grande surface, un enfant discutant avec son grand-père, ...
- La troisième étape consiste à implanter, dans la situation quotidienne caricaturale déjà en place, un problème qui en découle. Par exemple, un des personnages peut se comporter de façon stupide, erronée, ...
- La quatrième étape consiste à résoudre le problème posé en faisant intervenir le produit considéré. Par exemple, un autre personnage peut venir pour corriger l’erreur en utilisant le produit. L’auditeur doit s’identifier à ce personnage et non pas à celui qui se comporte de façon bête. Ensuite, par un phénomène d’association, le consommateur va finir par associer mentalement avec le produit les idées d’intelligence, de générosité, d’acceptation, …
Dans une publicité de ce type, le consommateur est poussé à acheter le produit afin qu’il puisse retrouver, pour un moment, les sensations de grandeur qu’il a eues en écoutant la publicité.
Avec son seul moyen verbal, la publicité à la radio doit donc être performant et capter immédiatement l’attention de la cible tout en indiquant clairement à l’auditeur ce qu’on attend de lui.
3.3. Internet
L’Internet est jeune parmi les médias de communication et s’est répandu à travers le monde très rapidement avec un impact majeur sur la société moderne. L’Internet a créé non seulement de nouveaux mots de vocabulaire dans le français, par exemple « internaute », et de nouveaux services tels que la vente en ligne, mais il a également permis l’apparition de nouveaux modes de publicité.
L’Internet évolue très rapidement et constamment. Ainsi la publicité doit-elle s’adapter et évoluer rapidement pour ne pas perdre le rythme. Il est possible de distinguer et de caractériser les publicités sur Internet en différentes familles.
- Les images publicitaires statiques et immobiles sont la première forme à apparaître sur la toile.
- Ensuite, les banderoles défilantes sont apparues. Elles sont toujours immobiles sur l’écran mais maintenant elles contiennent des images successives qui se succèdent ou défilent soit horizontalement soit verticalement.
- Après les banderoles, des publicités plus agressives viennent s’imposer à l’ouverture d’une nouvelle page. C'est-à-dire qu’à l’ouverture d’une nouvelle page d’Internet, une image publicitaire statique ou dynamique s’impose sur tout l’écran pendant quelques secondes avant de se rétracter dans un coin. L’image est alors clairement visible et inévitable.
- La publicité se fait aussi en sponsorisant un site afin que le nom de la marque y figure à plusieurs reprises. C’est aussi une méthode pour les créateurs de sites sur Internet de se procurer une rentrée d’argent afin d’assurer la viabilité de leur site.
- Bon nombre d’entreprises, d’organisations et de sociétés ont leur propre site Internet où elles peuvent faire leur propre promotion tout à loisir en vue d’attirer un maximum de visiteurs sur leur site, ceci par l’intermédiaire de banderoles, de liens venant d’autres sites ou d’une bonne position dans les moteurs de recherche.
- Il existe également des publicités plus insidieuses qui s’installent sur l’ordinateur comme des virus afin de rediriger régulièrement l’internaute sur la page d’accueil du site Internet correspondant. Cela peut s’avérer gênant et irritant pour l’utilisateur et il n’est pas sûr que ce soit un bon moyen de persuader un client potentiel, à moins que ce virus ne soit créé par un concurrent indélicat.
Au sujet de l’impact de l'Internet sur les consommateurs, l'étude Net Impact2 menée par l'institut d'études Ipsos ASI (filiale du groupe Ipsos dédiée aux études publicitaires) publiée le 27 septembre 2005 montre que dans huit cas sur dix, la publicité améliore l'image de la marque, et que dans sept cas sur dix, elle incite à l'achat.
L'Internet joue un rôle clé dans l'évolution de l'image des marques et dans la prédisposition à l'achat. La pertinence du média Internet apporte un bénéfice complémentaire aux annonceurs lorsqu'il est intégré au plan média.
3.4. Presse écrite
À l’opposé de la télévision, de l’Internet ou de la radio qui sont très dynamiques, la presse écrite est un média statique. De ce fait, les textes et les idées qu’ils contiennent sont moins labiles et ont donc un impact comparablement plus important que ceux à la télévision. Cette opinion est mise en lumière par l’expression populaire « les paroles s’envolent, les écrits restent ». Une grande différence entre la télévision et la presse écrite, c’est que devant la télévision, on est passif, alors que la presse écrite exige une volonté de participation et une exposition plus grande de la part du lecteur au contenu du texte afin de faire passer le message.
La publicité se doit de s’adapter à la nature de la presse écrite et non pas le contraire. Quand un lecteur lit un journal, il regarde ce qui l’intéresse, ce qui attire son regard, ce qui l’intrigue. Une publicité qui n’aurait aucune de ces qualités est une publicité inutile car personne ne la regarderait. La publicité à la télévision peut s’imposer au téléspectateur car ce dernier est passif. Le mode statique de la presse écrite et le mode actif du lecteur obligent la publicité à faire preuve d’une plus grande attractivité et d’une plus grande visibilité. C’est ainsi qu’une image de grande taille peut permettre de se distinguer plus facilement au milieu des textes. De même, le fait d’utiliser deux pages au lieu d’une donne une plus grande visibilité. Le slogan doit aussi être suffisamment attractif et accrocheur parce que le lecteur ne passe que quelques secondes à survoler la page publicitaire. Bien sûr, à l’instar des autres média, la publicité doit tenir compte des intérêts du consommateur potentiel. Il est toujours plus facile d’attirer le regard du lecteur quand on lui parle de choses qui l’intéressent.
3.5. Affiche
De nos jours, l’affiche publicitaire fait partie de la vie quotidienne de tous les citadins. Sa présence est partout et maintenant le point important pour concevoir une affiche est de la faire ressortir parmi toutes les autres afin qu’elle soit vue et reconnue. C’est pour cela que l’affiche publicitaire et l’art graphique se sont joints pour produire de véritables œuvres d’art au service du marketing. Les affiches les plus réussies sont des objets de collection et apportent au produit une renommée et une grande crédibilité.
Les affiches publicitaires sont réparties partout dans les grandes villes afin d’être vues par le plus grand nombre. Elles sont d’un usage très général parce qu’une seule affiche touche toutes les tranches sociales, des personnes de tout âge, de différentes religions, opinions, préoccupations, ... Les affiches sont générales et bien soignées afin de ne choquer personne, sauf le cas où l’affiche est à caractère provocateur et que l’on cherche tout particulièrement à choquer les gens.
Aux supports publicitaires dont nous venons de faire le point s’ajoutent catalogues, prospectus, tracts, cinéma, panneaux lumineux, moyens de transports, téléphone portable, ... Il est certain que ce paysage publicitaire déjà très diversifié continuera à se modifier. Car la publicité, plus que tout autre discours, se doit d’innover.
4. Constituants du discours publicitaire
La publicité prend source de deux grandes traditions : d’abord celle du livre, ensuite celle de l’illustration esthétique et artisanale. Étant une structure sémiologique mixte, la publicité se fonde sur un double système, iconique et verbal.
4.1. Éléments iconiques
Bien que la publicité soit aussi vieille que l’écriture, l’image ne fait partie de la publicité qu’au XIXè siècle. Au début, l’image dans les réclames journalistiques était très modeste : emblèmes épars et quelques portraits discrets. Elle était un simple élément de distraction qui complétait le texte. Jusqu’au XXè siècle, on voyait des dessins et des ornementations variées dans les publicités. Pourtant, comme on disposait un grand nombre d’annonces sur une même page, leur format était souvent réduit. Les réclames de presse reposaient, pendant des décennies en France, sur un agencement très majoritairement scriptural et accessoirement illustratif. Jusqu’en 1930, avec le lancement du journal Paris-Soir inspiré des modèles américains, l’image tenait une place plus importante dans une publicité et pouvait rivaliser sémiotiquement avec le texte. De nos jours, l’écrit cède de plus en plus de terrain à l’image. Les grandes marques soignent leur image à travers les photos publicitaires les plus attirantes, les plus sophistiquées parce que selon les publicitaires, la photo reste le meilleur moyen pour véhiculer un message, un état d'esprit, une identité, voire une philosophie propre à la marque.
4.1.1. Composantes de l’image publicitaire
L’image publicitaire se subdivise essentiellement en visuel et pack-shot.
Le visuel est très souvent la part iconique de l’annonce la plus importante en termes de surface. Il peut représenter aussi bien le produit que le contexte d’utilisation.
Selon la définition parue dans « L'encyclopédie du marketing” LEHU J.-M., 2004, L'encyclopédie du marketing, Paris, Éd. d'Organisation, p.728
de Jean-Marc Lehu « le pack-shot est l’illustration du produit en gros plan. L’annonce dite pack-shot présente généralement ce gros plan du produit en bas et à droite de l’annonce. »
Prenons le cas de la publicité Ariel. Dans le visuel de l’annonce occupant plus de la moitié de l’annonce, nous voyons un homme et son enfant à deux époques différentes. Deux images présentent une bonne comparaison : le temps passe, l’enfant grandit mais le blanc du tee-shirt est toujours entretenu à l’aide de la lessive Ariel. Le pack-shot se trouve en bas à droite avec une boîte de lessive sur le lave-linge.
Pourtant, en publicité, il n’y a pas de règles strictes. Pour certaines publicités, le pack-shot est mis en bas au centre ou en bas à gauche, et même en haut à gauche. Regardons les images publicitaires pour Mercedes, Hermès, Jetz :
Nous remarquons que l’image publicitaire est très bien soignée et attractive. Elle crée un sentiment d’euphorie chez le lecteur. Pour cela, une image publicitaire ne peut être analysée qu’à travers ce que l’on voit mais il faut aussi tirer sa signification de ce qu’on perçoit en procédant à la rhétorique visuelle.
4.1.2. Rhétorique de l’image publicitaire
Comme un texte, l’image publicitaire est analysée à deux niveaux : le propre (ou le dénoté) et le figuré (ou le connoté). C’est à Roland Barthes que nous devons cette notion de rhétorique de l’image. BARTHES R., 1964, Rhétorique de l’image, in Communications n° 4, Paris, Seuil, p.50
« On entend (...) par dénotation le contenu d'information logique du langage. Il s'agit, en gros, de ce que Jakobson fait relever de la fonction référentielle du langage. (...) Il semble plus satisfaisant de considérer comme dénotation l'ensemble des élément du langage qui seraient éventuellement traduisibles dans une autre langue par une machine à traduire”,6 LE GUERN M.,1973, Sémantique de la métaphore et de la métonymie, Paris, Larousse, p. 20
La dénotation désigne donc la signification fixée, explicite et partagée par tous, c’est-à-dire la description et le recensement des éléments qui constituent l’image tels que formes, personnages, décor, cadrage, couleurs...
« On appelle connotations l'ensemble des systèmes signifiants que l'on peut déceler dans un texte outre la dénotation. »
La connotation correspond à des sens supplémentaires, instables, variables selon l’expérience et la culture des individus. La connotation est donc signification de l'image, interprétations personnelles, stéréotypes...
Nous voyons, dans l’image publicitaire d’Air France, un ciel bleu parsemé de nuages. L’originalité de cette annonce consiste à la forme d’une carte mondiale de ses nuages. Bien que chacun ait son interprétation pour cette image féerique, il est certain qu’avec cette rhétorique visuelle, la compagnie parvient à transmettre le message de son slogan de marque : "Voyages au pays d’Air France». En fait, il ne s’agit pas simplement d’un
ciel bleu rempli de nuages ou du ciel en forme de carte mais d’un monde uni par le ciel, par Air France. Avec Air France, on peut faire le tour du monde.
Notons que le sens dénotatif d’une image est stable alors que les connotations sont diverses, constituées en fonction des effets subjectifs et des contextes. Elles dépendent non seulement de la répartition des signes dans l'espace de représentation mais aussi du lecteur, de sa mémoire, de sa culture, de son inconscient et surtout de son imaginaire.
À propos de l’approche rhétorique iconique, Peyroutet et Cocula rappellent que « le message visuel étant synchrone, la distinction entre l’axe paradigmatique – choix des mots – et l’axe syntagmatique – combinaison de mots – devient difficile, voire inopérante. Ce qui revient à dire que les outils linguistiques du découpage signifiant/signifié ne sont pas adaptés aux valeurs signifiantes de l’image à décoder ». LE GOAZIOU V., La rhétorique appliquée aux nouvelles images publicitaire, www.artemis.jussieu.fr/ssb/ hermes/actes/ac9596/05ac9596vf.htm
Ainsi mettent-ils l’accent sur les deux tropes les plus importants à savoir la métonymie et la métaphore. Ils définissent les deux tropes comme suit :
La métonymie dans les messages iconiques est un phénomène dans lequel l’émetteur substitue un signe S1 à un autre S2 dans l’intention de signifier un rapport de contiguïté (ou de cause à effet). Sur le plan linguistique, la présence de S1 est rarement indispensable. Cependant, pour qu’une métonymie soit perçue dans un message iconique, il faut soit que S1 et S2 soient représentés, soit qu’un texte d’appoint indique que tel message iconique est métonymique. La publicité utilise souvent la métonymie pour démontrer les effets heureux de la consommation d’un produit. Dans l’affiche d’Air France, l’image des continents formés des nuages blancs se réfère, par métonymie, à notre Terre qui est réunie grâce aux services de cette compagnie aérienne.
La métaphore dans les messages iconiques consiste au remplacement d’un S1 attendu par un S2 qui se fait selon un rapport de ressemblance. En effet, la métaphore est fondée sur une relation d’analogie entre des référents distincts. Le comparant dans la métaphore graphique est exprimé par la syntaxe de l’image : le dessin, la couleur, ... L’image d’un village verdoyant et d’un ciel bleu dans la publicité Air France nous fait rêver à des voyages paisibles et magnifiques offerts par Air France comme le montre sa devise « Faire le ciel le plus bel endroit de la Terre »
Il en résulte par ce qui précède qu’il est rare qu’une image impose un sens unique. Il est préférable de recourir également aux éléments linguistiques qui jouent une fonction d’ancrage.
4.2. Éléments linguistiques
Si la production publicitaire est infinie, elle répond néanmoins à un certain nombre de règles plus ou moins établies. L’observation d’un large corpus nous permet de citer ci-dessous un modèle de base. En principe, une publicité regroupe, à part les éléments iconiques, les trois types de slogans, le pavé rédactionnel, le nom de la marque et les satellites :
slogan d’accroche
visuel
pavé rédactionnel pack-shot
logo marque
slogan d’assise slogan de marque
Parmi les publicités étudiées, il nous semble que les annonces sur le domaine technique contiennent souvent presque tous les éléments d’une publicité-type telle que la publicité de Seat et Honda, deux marques d’automobile favorites :
Découvrons maintenant plus en détails les éléments linguistiques d’une annonce publicitaire en commençant par les trois types de slogans.
4.2.1. Slogan
Parmi les moyens discursifs et visuels à disposition du publicitaire, le slogan est sans aucun doute l'élément textuel qui jouit de la plus forte mémorisation. Son double rôle est, d’une part, de retenir l’attention du lecteur et d’autre part, d’opérer un lien très rapide entre la marque et certaines de ses caractéristiques.
Lorsque l’on parle de slogan, il convient d’en distinguer trois catégories qui ne sont pas nécessairement toutes présentes sur une même publicité.
Le slogan de marque (ou corporate) est la devise de l’entreprise. On rencontrera ainsi "Auto emociòn" pour le groupe Seat et "First man, then machine" pour le groupe Honda ou « Créateur d’automobiles » de Renault. Ce type de slogan, caractérisant la marque, lui devient peu à peu indissociable. Le consommateur l'assimilera en définitive à cette dernière. Nous avons une remarque à faire à propos de la langue utilisée dans le slogan de marque. Une fois introduite dans un pays étranger, il paraît évident que le message linguistique doit être traduit et adapté au contexte socio-culturel. Pourtant, beaucoup de firmes décident de conserver le slogan dans leur langue nationale, notamment l’anglais dans le but d’attester leur vocation internationale.
Le slogan d'accroche (ou head-line), généralement situé en haut de l’annonce, est la devise du produit, ciblée sur le moment de la transaction commerciale. Comme son nom l’indique, l’un de ses rôles principaux est d’attirer l’attention, d’interpeller le lecteur. Il est souvent lié au visuel et aux aspirations du client potentiel. Avec le slogan « Les femmes ne s’intéressent plus qu’à leur voiture », Seat Arosa a ciblé les femmes comme cliente potentielle, tandis que le slogan de Honda « HR-V 4x4. Le plaisir de suivre sa propre voie » prend en compte le nom de son nouveau modèle HR-V 4x4 et joue sur la séduction ludique et l’éloge implicite du consommateur.
Enfin, le slogan d'assise (ou base-line) explicite généralement la devise de la marque, dont elle synthétise la stratégie adoptée. Il peut également donner des informations supplémentaires sur le produit présenté comme le slogan de la publicité du rouge à lèvres de Bourjois « Effet 3D, son pouvoir peut vous échapper ». La structure de ce type de slogan est généralement plus grammaticale que celles du slogan d'accroche ou du slogan de marque. Il arrive aussi fréquemment que le slogan d’assise soit fortement lié au rédactionnel et situé en bas à gauche.
Pour tous les types publicitaires, le slogan est souvent considéré par les publicitaires comme un des éléments déterminants du succès d’une publicité. Ainsi, J.M. Adam et M. Bonhomme affirment-ils que « sollicitant surtout l’hémisphère droit du cerveau – plus responsable des composantes intonatives (Jakobson et Waugh 1980 : 60-62) et rythmes du langage de la perception et de l’élaboration de totalités que de la production logico-analytique (phonétique, syntaxique et sémantique), le slogan se caractérise par une brièveté, une simplicité grammaticale, une tonalité péremptoire et une fermeture structurelle qui en font un syntagme figé et un idiolecte protégé par la loi sur la propriété artistique. Tous ces traits lui confèrent un pouvoir élevé de mémorisation et renforcent sa dimension performative. » Op. cit., p.60
Néanmoins, pour certaines publicités, surtout celles des vêtements et des bijoux jouissant d’une bonne réputation, à part le nom de la marque, on ne voit que l’image des grandes personnalités. Car seule la notoriété de la marque peut tout dire.
En fin de compte, le slogan joue un rôle important pour la persuasion publicitaire. Nous développerons cet aspect du slogan dans le chapitre suivant. Il est temps de passer au pavé rédactionnel, un autre constituant linguistique moins présent mais aussi persuasif.
4.2.2. Pavé rédactionnel
Le rédactionnel (pavé rédactionnel) est un texte construit, fortement argumentatif, plus objectif et à forte charge informative. Généralement placé en bas d’annonce, sa typographie est de préférence neutre et de petite taille.
Sur le plan pragmatique, il est moins expressif que l’image. C’est pourquoi, il est le lieu idéal pour développer l’argumentation publicitaire. Nous le trouvons très souvent dans les annonces des produits techniques tels que voitures, appareils électroménagers, téléphones mobiles,... ou de certains services bancaires, aériens,... Rarement lu, il reste cependant capital puisqu’il apporte des informations supplémentaires aux personnes interpellées par l’annonce. Avec des preuves scientifiques, le texte donne l’impression du sérieux et de la respectabilité scientifique. En général, le rédactionnel de ces publicités sert à concrétiser les avantages du produit par rapport aux concurrents, surtout l’innovation technique, son mode d’emploi ou parfois des indications d’accès au produit, ... Par exemple, dans le texte publicitaire du Rouge Magique de Lancôme, l’insistance est portée sur le nouveau procédé technique. Les deux tiers du texte servent à illustrer l’élément à coloration scientifique « un véritable ruban de polyfixine imprégné de couleur qui adhère incroyablement au dessin de votre bouche... ».
Cependant, pour certains produits surtout les produits de luxe, l’utilité passe souvent en second, cédant la place prioritaire à la beauté et l’originalité. Prenons, par exemple, le cas de la publicité du téléphone sans-fil Matra :
« Beau et lisse comme un galet caressé par la mer, mon téléphone sans-fil Nautila m’offre le meilleur de la technologie Matra en toute liberté. »
Cet exemple montre que la publicité n'est donc plus seulement une rhétorique qui sert à convaincre de l'utilité du produit, mais une façon de faire connaître la nouvelle technologie, tout en exhibant la beauté, l'élégance... du téléphone. Ce type d’argumentation provoque une impression de dilatation spatiale et incite à la rêverie.
Le pavé rédactionnel n’est pas toujours présent dans une annonce publicitaire mais une fois apparu, il joue un rôle argumentatif par excellence. Contrairement au rédactionnel, c’est la marque, constituant linguistique minimal indispensable pour chaque annonce.
4.2.3. Marque
La marque se décompose en deux sous-catégories : marque de la firme et nom du produit.
4.2.3.1. Marque de la firme
Étant la signature de l’annonce, elle apparaît en bas, à droite, souvent à proximité du logo et du slogan de marque. Caractérisée par sa durée dans le temps, elle est en général arbitraire, liée au patronyme de ses fondateurs comme Renault, Ford, Toyota, ....ou au relativisme de la langue qui l’a vue naître (General Motors, Les Mutuelles du Mans ....). Il existe également des marques formées de la siglaison telles que IBM, BP, FPT, ... Cependant, même initialement arbitraire, la marque porte une grande force persuasive due à la réputation de l’univers qu’elle évoque. D’où le concept de l’« image de marque », ce qui explique de grosses sommes dépensées par les entreprises pour combattre la contrefaçon ou faire la publicité de leur marque. En fait, seule la marque suffit pour garantir l’argumentation de l’annonce. Total en est un exemple typique. Ce nom du groupe a une signification et une prononciation identiques dans de nombreuses langues de par le monde. Total est aussi le nom de sa marque principale qui, créée en 1954, a acquis un capital important de notoriété et de sympathie auprès de ses publics et de sa clientèle.
Tenant compte de l’importance de la marque, tous les ans, le magazine Business Week et Interbrand publie le Classement des 100 marques les plus puissantes au monde selon lequel les trois premières marques de l’année 2005 sont Coca-Cola, Microsoft, IBM.
Bref, la marque contient une orientation incitative qui opère comme argument de vente. C’est sa fonction globalement persuasive. Avec la marque de l’entreprise, le nom du produit renforce l’aspect argumentatif de l’annonce.
4.2.3.2. Nom du produit
Le nom du produit a une durée de vie plus ou moins longue en fonction de la conjoncture économique. Si le produit se vend bien, son nom existera très longtemps et vice versa. L’appellation du produit est choisie par le producteur selon la place qu’il occupe dans une série manufacturière, comme certaines automobiles (la Peugeot 304, 404, 504 ...) ou par la nature, la composition du produit, notamment les produits chimiques et de beauté. Les nouveaux venus reflètent souvent l’innovation et le dynamisme du producteur en vue de s’adapter au besoin du marché. Le nom du produit est ordinairement sa mini-description et a une portée argumentative avec différents procédés. Il s’agit d’une mise en évidence de ses effets bénéfiques (par exemple le rouge à lèvres Effet 3 D qui promet des qualités à découvrir), de ses composantes scientifiques (l’Huile essentielle de lavande officinale d’Ecocert), ou de son univers mythique (la voiture Elyséo Peugeot relative aux Champs-Élysées, séjour des bienheureux dans la mythologie gréco-romaine).
Quelque minimes qu’ils soient, le nom de la marque ou le nom du produit sont certainement indispensables et détiennent une forte influence sur la motivation d’achat du consommateur.
4.3. Éléments composites
Dans certains types d’annonce, il y a des éléments à cheval entre linguistique et iconique tels que le logo ou les satellites.
Avec le nom de la marque, le logo constitue la signature de l’annonce et remplit deux fonctions argumentatives :
Premièrement, il assure la fonction de saisie immédiate de la marque. Étant une véritable image d’identité d’une entreprise, il doit être identifiable et mémorisable en un coup d’oeil par la compacité de son emblème, comme l’image d’une pomme («apple » en anglais) désignant la marque Apple très connue dans le domaine électronique (fig.1) ou l’initiale inductrice H de Honda qui en déclenche la lecture. (fig.2)
Deuxièmement, il sert à valoriser le concept de la marque, souvent suggéré par le signifiant iconique. C’est ainsi que le globe bleu de Kuoni concrétise l’activité mondiale de cette agence de voyages aériens (fig.3) ou l’icône d’Air France représente sa nationalité française à travers les trois couleurs du drapeau français (fig.4).
Fig.1 Fig.2 Fig.3 Fig.4
Les satellites sont les éléments parasitaires, facultatifs et permutables, mi-textes, mi-images qui occupent une superficie plus ou moins faible et s’égrainent sur l’annonce. Il y a des satellites accessoires (notes, adresse, ...) et d’interpellation (nouveauté, offres spéciales, ...).
Pour illustrer ces propos, on peut examiner l’annonce Cif. Celle-ci, apparemment banale, regroupe différents satellites. Le premier satellite « nouveau » s’inscrit en lettres capitales rouges, en superposition sur le visuel. Le deuxième satellite, dans une forme ovale au fond blanc, promet un échantillon ("Allez chercher votre échantillon de Cif Oxy-Gel, le 9 juin 2001 à la succursale IKEA d’Aubonne"). Enfin, le lecteur remarquera
le troisième satellite : l’étiquette annonçant le nom du produit, doublement mis en évidence. Au final, mineures dans leur aspect, ces mentions périphériques renferment cependant un très grand pouvoir argumentatif et captatif.
En un mot, tous ces éléments, linguistiques et iconiques, constituent un ensemble logique et cohérent ayant une force argumentative. Parmi ces éléments, lesquels jouent le rôle le plus important dans la formation du sens ? Nous trouverons la réponse dans l’analyse du rapport texte/image.
4.4. Rapport texte/image
Les constituants linguistiques et iconiques constituent un tout complexe d’une annonce publicitaire de presse écrite. Le sens global d’une annonce n’est pas la somme de ses parties. Il est en effet formé par un rapport interdépendant entre les différents constituants qui provoquent des circulations de sens.
Dans son livre "Rhétorique de l’image", R. Barthes remarque que l’image engendre souvent un malaise, «la terreur» du signe incertain, qui tient à l’indécision du sens à donner parmi tous les sens possibles. Le texte, lorsqu’il y en a un, servirait alors de guide au lecteur et remplirait deux fonctions distinctes. Op cit, p.67
Premièrement, pour remédier à l’éparpillement de sens de l’image, le message linguistique joue la fonction d’ancrage (fixer le sens) en orientant la lecture de l’image vers le but du publicitaire.
La deuxième fonction, dite fonction de relais (fournir des sens complémentaires) consiste à apporter au lecteur des informations supplémentaires que l’image ne peut pas véhiculer telles que les indications de temps, de lieux, de personnes,... À quoi pense-t-on en regardant l’image à côté sans aucun signe linguistique ? (Il s’agit de la publicité d’un parc d’eau ou d’une piscine ?) À l’aide du slogan « Communiquer sans frontières » et du nom de marque,
on peut savoir qu’il s’agit de la publicité d’Orange, un grand réseau de téléphonie mobile. Si R. Barthes aborde ce rapport dans une perspective unidirectionnelle, L. Bardin estime que les deux fonctions d’ancrage et de relais sont réversibles. Elle pose la question suivante : « Qu’est-ce qui prouve, dans le rapport texte/image, que c’est toujours le texte qui joue le rôle de mode d’emploi ? » BARDIN L., 1975, Le texte et l’image, Communication et langages, n° 26, Paris, Retz, p. 102
. Nous partageons l’idée de L. Bardin. Le texte n’est pas moins polysémique que l’image. La publicité, toujours à la recherche d’innovations, propose parfois des textes impossibles à interpréter sans l’aide de l’image. C’est alors l’image qui vient fixer le
sens du texte. Une publicité de la coopérative Migros est représentative. À part la marque, on ne voit qu’une seule phrase "La vache, c’est cool...". Sans l’image, il est impossible de saisir le sens de ce slogan et deviner de quel produit il s’agit.
L’étude des constituants de la publicité révèle la composition d’une publicité et la relation interdépendante des éléments. Il est évident que ces composantes ne sont pas de même importance dans une publicité. L’accent mis sur telle ou telle composante dépend largement du type du produit et de la notoriété de la marque. Une fois présentes, elles contribuent toutes à refléter l’intention du fabriquant et du publicitaire en créant des effets caractéristiques de la publicité.
5. Caractéristiques de la publicité
Il y a différents points de vue sur les caractéristiques de la publicité. Les uns les considèrent comme des mensongères, d’autres les voient et les aiment parce qu’elles sont très créatives, amusantes, impressionnantes ... Dans le cadre de cette étude, nous laissons à côté leurs aspects négatifs pour nous concentrer à « faire la publicité » de la publicité en ne mettant en évidence que leurs mérites.
5.1. Créativité
Qu’est-ce qui rend une marque visible et attirante dans un univers couvert de publicités de toutes sortes ?
Parmi tant d’éléments jugés indispensables comme le format plus grand pour plus d’espace d’expression et de séduction, la finesse de son plan média, ..., une bonne création est toujours le meilleur moyen d’y parvenir. Tous les publicitaires apprennent par cœur la recette « Créativité = Efficacité ».
Mais comment définir et mesurer la créativité?
Pour Maslow, « la créativité nécessite une aptitude à exprimer des idées et des pulsions sans répression et sans crainte du ridicule. Elle implique l'absence de classification, l'ouverture à l'expérience, la spontanéité et la liberté d'expression ». MASLOW A., 1972, Vers une psychologie de l'être, Paris, Fayard, p.153
Barron et Harrington relient plutôt la créativité à l'intelligence et la personnalité. BARRON f. & HARRINGTON D.-M., 1981, Creativity ,Intelligence and Personality, Annual Review Psychology, p.441
Selon Jean-Henri Francfort, directeur et rédacteur-concepteur d’une agence publicitaire suisse, « la créativité n’est pas pure intuition.[...] La créativité est endiguée par des études de marché, par des statistiques de toutes sortes, par les principes fondamentaux du marketing moderne, par des principes de communication aussi simples qu’incontournables ». FRANFORT J. H., 2001, Les publicitaires : professionnels du cirque médiatique ou saltimbanques de la communication ? , Le magazine d'information des professionnels de la communication ComAnalysis no 34
Plus simplement, être créatif, c'est de sortir de l’ordinaire, de trouver quelque chose de différent. Rappelons-nous la citation de Nerval, qui n'était pas un publicitaire : « Le premier à avoir comparé une femme à une rose était un poète, le second un imbécile» .
Comme toute création, la créativité publicitaire porte sur le fond, la maîtrise des mots, de la direction artistique et de l'interactivité. La plupart du temps, les publicités sont jugées sur la créativité. Or, la publicité est un outil qui sert à augmenter les ventes mais pas seulement celui de loisirs (ou de culture). C’est pourquoi, quelle que soit son originalité, la publicité est estimée inefficace si l’on n’arrive pas à retenir la marque, le produit et son bénéfice.
Le point de départ devrait être le produit lui-même. Une bonne création doit tout d’abord répondre aux attentes de la marque et vanter les mérites du produit pour accrocher le consommateur, le toucher, lui donner envie d'aller plus loin… à l’aide des plus belles photos, des meilleurs messages. Une publicité créative évoque toujours la surprise, le plaisir, la curiosité et même l’admiration chez les lecteurs pour qu’ils s’en souviennent le mieux, qu’ils en discutent entre eux et qu’ils achètent enfin le produit. En fait, beaucoup de consommateurs disent qu’ils achètent parfois un produit non pas parce qu’il leur est vraiment utile mais seulement que la publicité est si attrayante et impressionnante.
Ces deux images ci-dessous sont le fruit de la créativité. L’une reflète un spectacle très romantique d’un couple qui ne peut pas se séparer en raison de leur amour pour Paris et/ou de la séduction de l’odeur du parfum d’Yves Saint Laurent. L’autre paraît plus simple mais pas moins expressive : une beauté orientale très sublime nous touche jusqu'aux tréfonds de l’âme.
La créativité se manifeste non seulement à travers une bonne idée, une belle image mais aussi au niveau lexical, sémantico-syntaxique. On peut trouver des mots nouveaux, des structures agrammaticalement modifiées dans des publicités :
Ford, encore plus Ford. (Ford)
Rowentez-vous la vie. (Fer à repasser Rowenta)
Vacances à la Framçaise. (Agence de voyage Fram)
Louez vos week-ends. (Location Orion)
Vacanciez-vous la vie.
Cap d’Agde. (Sopra-Vacances)
La créativité est donc synonyme de l’originalité, de la nouveauté mais il n’est pas à exclure que la création vient de ce qui est connu tout en apportant de belles surprises au lecteur. C’est ainsi que la caractéristique de créativité cohabite souvent avec le plagiat, un procédé s’appuyant sur la culture personnelle du lecteur.
5.2. Emprunt ou plagiat publicitaire
Le plagiat qui est une copie conforme et intentionnellement dissimulée, désigne habituellement le vol de la propriété intellectuelle - qui se traduit en copyrights pour les produits artistiques et scientifiques et en brevets pour les produits techniques et économiques.
Pourtant, le plagiat dans les pratiques artistiques ou dans la pratique publicitaire diffère considérablement. Les plus grands publicitaires encouragent même leurs disciples à les imiter. Par exemple, D.Ogilvy invite ses jeunes publicitaires à le singer : « Ce n’est pas une mauvaise chose d’apprendre le métier de publicitaire en copiant vos aînés, et les meilleurs. »,15 LUGRIN G., 2003, « Splendeur et décadence de la créativité publicitaire : entre copie formatrice, plagiat crapuleux et allusion parodique », Le magazine d'information des professionnels de la communication ComAnalysis, no73
De même, Gilles Lugrin, docteur ès Lettres, fondateur du magazine ComAnalysis spécialisé dans la publicité, conseille à ses rédacteurs de copier jusqu’à ce qu’ils aient une meilleure idée.
En réalité, la pratique de la copie est si ordinaire en publicité que les agences d’une certaine envergure ont systématisé le procédé.
Les spécialistes divisent la copie des publicités en deux types : copie de modèles préexistants dite emprunts génériques et copie à d’autres textes, emprunts intertextuels.
Certains linguistes classent la publicité dans la catégorie injonctive. Pour d’autres, elle est un discours argumentatif. En réalité, la publicité peut être à la fois injonctive, descriptive, poétique, argumentative,... car elle est représentée par différents genres préexistants : poème, faire-part de mariage, éditorial, petite annonce, bail à loyer, journal intime, pièce de théâtre, etc. Tel est le cas de la publicité Ford que nous voyons à côté, elle est un emprunt du genre de journal intime, le pavé rédactionnel s’actualise sous forme une page de journal. Les spécialistes appellent ce type de copie comme des emprunts génériques.
De la même manière, on a recours à des discours qu’on a entendus. Ces faits intertextuels peuvent être de différentes natures et puiser dans les genres de la langue aussi bien que dans des stéréotypes ou des productions langagières notoires.
On rencontre souvent des héros des bandes dessinées dans une publicité. Tintin, le héros très connu de la bande dessinée belge du même nom a été beaucoup exploité dans la publicité, il existe même un produit qui porte ce nom comme le fromage Tintin.
La publicité est coutumière du détournement des œuvres d'art. Regardons l’emprunt au tableau La Joconde de Léonard de Vinci de la sauce Chunky, la présence de Mona Lisa comme une cliente potentielle valorise le produit et donc le goût du consommateur. De plus, le changement très frappant de son apparence impressionne et amuse tout le monde.
Il est aussi très fréquent que le slogan publicitaire est dû à la modification des formules figées connues de tous, du titre d’un roman ou d’une phrase extraite d’une œuvre littéraire comme « Qui va à la chasse avec Gaspard gagne sa place » de Gaspard («Qui va à la chasse perd sa place»), une station de sports d'hiver, «Qui veut innover bien ménage la culture” de la Citroën CX ("Qui veut voyager loin ménage sa monture" dans l’œuvre Les plaideurs de Racine ), « En attendant Godiva » du Chocolat Godiva (le nom du roman « En attendant Godo » de Samuel Bekectt).
Quels sont les intérêts principaux pour lesquels les publicitaires recourent souvent à des emprunts ?
Tout d’abord, l’emprunt des genres habituels favorise la rapidité d’interprétation. La maîtrise des genres permet au lecteur de se concentrer au message transmis par la publicité en évitant de porter son attention sur tous les détails.
La compétence générique partagée par un large public assure aussi la sécurisation de la communication, l’efficacité de l’annonce. On court moins de risques de perdre une grosse somme pour rien.
Par ailleurs, le discours publicitaire emprunte systématiquement des formes à d’autres discours pour se renouveler et évoluer. Il est certainement beaucoup plus facile de trouver quelque chose d’innovant à partir de ce qu’on a connu que de partir de zéro.
Enfin, l’emprunt crée souvent chez le lecteur un choc entre ce qu’on a appris et ce que la publicité propose en vue de solliciter la mémoire du lecteur.
5.3. Exagération
Selon l’article 30 Décret n° 88-66 du 20 janvier 1988 portant approbation du cahier des missions et des charges de Radio France internationale modifié par : Décret n° 2004-743 du 21 juillet 2004 (JO-28/07/04, « la publicité doit être conçue dans le respect des intérêts des consommateurs. Les messages publicitaires ne doivent pas, directement ou indirectement, par exagération, par omission ou en raison de leur caractère ambigu, induire en erreur le consommateur» .
En réalité, les publicités exagèrent toujours les avantages du produit et très peu de produits se montrent à la hauteur du battage publicitaire. L’exagération est même si fréquente dans la publicité, dans le journalisme et dans la langue courante qu’elle peut amoindrir son effet et n’est plus perçue comme telle.
« - Ah! Il est bien le nouvel Omo.
- C'est celui qui lave encore plus blanc que blanc.
- Moi, j'avais l'ancien Omo qui lavait plus blanc et il lavait déjà bien, hein.
- Mais maintenant il y a le nouvel Omo qui lave encore plus blanc.
- Moi j'ose plus changer de lessive, j'ai peur que ça devienne transparent après.»
Existe-t-il quelqu’un qui rie face à cet extrait de la publicité de Omo ? Nous sommes certains que personne ne le trouve étrange, non pas parce qu’on croit tous à ce que dit la publicité mais parce qu’on s’habitue à sa manière de présenter le produit.
Aujourd’hui, l'hyperbole est omniprésente dans la rhétorique de l'éloge pratiquée par la publicité au niveau linguistique aussi bien qu’au niveau iconique. L'hyperbole consiste en un renforcement et en une surdétermination de l'expression par rapport à la réalité désignée. L'hyperbole langagière se manifeste avant tout par des marqueurs lexicaux et grammaticaux:
- par suffixes d'intensité comme « issime » ayant une valeur superlative qui signifie «très », « au plus haut degré».
« Diorissimo » ( DIOR)
« Sandwichissime! Les viandes préparées Maple Leaf. » (Maple Leaf)
- par préfixes d'intensité tels que maxi, super, hyper, extra, méga, macro:
« Maxi-tonique » (EAU JEUNE de Galley)
- par superlatifs:
« Le plus grand des petits déjeuners » (Kellog’s Corn Flakes)
L'hyperbole iconique est actualisée, quant à elle, par des procédés topographiques (jeu sur la spatialité interne à l'image) et géométriques (manipulation des formes).
Dans la publicité pour un serveur Internet destiné à vendre des produits bancaires, on a une image hyperbolique illustrant l'impossibilité de ''manquer le trou'' (sa taille est énormément amplifiée par rapport à un trou normal au golf), c'est-à-dire qu’avec les services de cette banque, il n’y a presque pas de risques dans les investissements.
La pluie d’hallebardes dans la publicité Volkswagen est aussi une image hyperbolique qui exprime la super-résistance de la voiture. Selon certains analystes de la publicité automobile, « il semble même que le concept publicitaire sous-jacent à la publicité automobile soit une certaine constance dans " le rêve, la plongée dans l’irréalisme, dans le délire, l’imaginaire pur, car l’automobile, c’est d’abord l’évasion ". » LUGRIN G. & TOLIVIA D., 2002, Check-up de la publicité automobile, Le magazine d'information des professionnels de la communication ComAnalysis no45
Avec de belles images ou des expressions inventives qui vont à l’encontre de ce à quoi l’on s’attend, l’exagération publicitaire ne déplaît pas le lecteur mais bien au contraire, elle suscite, chez lui, la surprise, l’admiration et plus souvent le doute d’où sa mémorisation pour la marque et le produit. Par conséquent, on a envie de l’utiliser lorsqu’on le voit.
5.4. Humour
Le grand principe de la publicité moderne est de nous faire croire qu’elle ne cherche pas à nous convaincre, à nous séduire. La publicité ne se contente plus d’énoncer des avantages mais doit se jouer d’elle-même en créant un climat de divertissement et de complicité qui incite le lecteur à la recevoir sans aucune défense. En fait, l’humour a un impact positif sur l’attention accordée à la publicité. Nous avons entendu dire : « Une fois que vous avez fait rire les gens, cela signifie qu'ils vous écoutent et que vous pouvez alors leur dire à peu près n'importe quoi. »
Voilà deux exemples parmi tant de publicités drôles du corpus. Le comique dans la première image, c’est la position ridicule et le regard stupéfait du chien. Il paraît que ce pauvre animal a trop peur de la vitesse de la Volkswagen «vraiment puissante» et s’agrippe au siège au lieu de se retrouver coincé sous la banquette arrière. Dans la publicité de Lu, on voit une association humoristique entre le slogan très solennel et l’image indécente d’un petit-beurre à l’oreille coupée. Il est évident que c’est cette qualité distractive qui rend ces publicités inoubliables. Généralement, si on se rappelle bien du comique d'une situation, on est également capable de se rappeler le nom de la marque.
Si les images publicitaires amusantes sont multiples, les messages linguistiques à caractère humoristique sont rares. Parmi des centaines de publicités du corpus, nous ne relevons que de quelques dizaines de messages qui sont drôles en eux-mêmes :
« Un jour sans Bic, c’est la barbe. » (Rasoir jetable Bic)
« Si les poissons pouvaient parler, ils vous conseilleraient Hykro. » (Ecumeur Hykro)
Dans la plupart des cas, le message linguistique joue le rôle de confortation, explicitant l’humour de l’image. Prenons, par exemple, le cas de Seat Arosa dans lequel seul le slogan “Seat Arosa. Les femmes ne s’intéressent qu’à leur voiture.” ne fait pas rire le lecteur. Il n’a que pour tâche de conforter le contenu d’humour du message iconique.
L’humour et la communication publicitaire sont-ils toujours un mariage efficace ?
Certainement pas. Utiliser l’humour est un jeu dangereux, même pour les grands publicitaires. En effet, l’humour est parfois incompréhensible. De plus, l’humour risque de se tourner vers le vulgaire et le ridicule.
Le meilleur humour doit être « l’humour stratégique, celui qui est inscrit au plus profond de la marque et qui lui donne sa personnalité ». GRABY F., 2001, Humour et Comique en Publicité, Caen, Éd. EMS, p.78
Enfin, une publicité est jugée attrayante si l’humour est subtil, fait appel à l’intelligence et demande un effort de compréhension.
I.5.4. Esthétique
L’image et le message qu’une publicité nous propose ont pour l’objectif plus que de distraire. Elle puise dans un répertoire de valeurs esthétiques pour répondre à la diversité des goûts du public.
Beaucoup de textes enthousiastes sont consacrés à faire l’éloge de la beauté des publicités. Pierre Mac Orlan considère la publicité comme « un des beaux-arts ». ORLAN M., Vive la publicité !, recueil de texte, avec les œuvres de plus illustrateurs, Le Dilettante, Éd. Prima Linea
Leo Spitzer l’appelle « la fleur de la vie contemporaine » qui « est une affirmation d’optimisme et de gaieté, distrait l’oeil et l’esprit ». SPITZER L., 1978, « La publicité américaine comme art populaire », Poétique, no 3, Paris, Seuil
Selon Henri Joannis, l’un des pères de la création publicitaire, caressant les cœurs et l’affectif du lecteur, la beauté des publicités fait partie des « procédés d’attention/spectacle [par les émotions] ». JOANNIS H., 1995, De la stratégie marketing à la création publicitaire, Paris, Éd. Dunod
En réalité, l’attention du lecteur est très souvent attirée par un style raffiné, des paysages de rêve, une lumière rare ou des rapports de couleurs éclatants. Ces éléments esthétiques valident la crédibilité d’un produit plutôt que le produit lui-même.
La publicité des produits de luxe est une preuve de cette dimension esthétique, ceci grâce à la contribution de bon nombre d’artistes et de photographes célèbres. Les deux publicités ci-dessous suffisent pour justifier ce qu’on estime de la publicité :
La photo pour "Murmure", le parfum féminin de Van Cleef & Arpels, est indéniablement une véritable œuvre d'art. N’ayant pas de décor, pas trop de détails, la photo représente un accord parfait entre ce flacon et cette fleur aux tons pastel. C’est vraiment un régal pour l’oeil et l’esprit.
Mercedes a recours au dédoublement du croissant de lune pour incarner la beauté. L’image de deux croissants de lune sert à traduire les événements exceptionnels que la Classe C Selection offrira à ses clients.
Sur le plan linguistique, les publicitaires utilisent souvent des figures de rhétorique, des expressions ou structures empruntées aux œuvres littéraires… pour créer les plus beaux messages publicitaires. Blaise Cendras constate que l’esthétisation du message recourt aux mêmes stratégies discursives que la poésie. On y perçoit aussi le lyrisme, le romantisme :
«Ce qui caractérise l’ensemble de la publicité mondiale est son lyrisme.
Et ici la publicité touche la poésie.
Le lyrisme est une façon d’être et de sentir ; le langage est le reflet de la conscience humaine ; la poésie fait connaître (tout comme la publicité un produit) l’image de l’esprit qui la conçoit.
... je fais appel à tous les poètes : Amis, la publicité est votre domaine.
Elle parle votre langue.
Elle réalise votre poétique. » Cité par J.-M. Adam et M. Bonhomme, op. cit. p. 5
Qu’ils soient courts ou longs, qu’ils soient une description ou une narration, les textes publicitaires sont en général très imagés et poétiques.
« La femme est une île,
Fidji est son parfum. » (Eau de parfum Fidji)
« Qui sème les fleurs, récolte la tendresse. » (Interflora)
« Il était une fois ... un charmant petit pays.
Avec beaucoup de châteaux. Des collines verdoyantes, des forêts millénaires, des
ruisseaux enchanteurs. Avec des habitants accueillants, joyeux et gourmets.
Ils sont là, au cœur de l’Europe ; si près de chez vous. Car le plus beau de l’histoire, ce
pays existe vraiment !
Le grand-duché de Luxembourg. » (Service du tourisme de Luxembourg)
Comme les images publicitaires, la beauté des messages publicitaires est souvent liée à la nature avec des fleurs, des îles, des forêts ... Par la manipulation magique des publicitaires, les expressions simples et les images habituelles renvoient à un monde de rêve, un vrai paradis sur la Terre.
Pour conclure, plus la société de consommation se développe, plus la publicité devient indispensable à la vie quotidienne. Avec les caractéristiques que nous avons vantées dans ce présent chapitre, la publicité mérite d’être un art de notre temps moderne. « Plutôt qu’un endoctrinement, la publicité propose un rêve et feint un monde idéal. S’affranchissant d’une vision réaliste banale, il met l’imaginaire du lecteur en réveil, l’arrache à la monotonie du quotidien et lui propose une évasion. » DYE M., La “poétique” du message publicitaire. Interférence avec le discours littéraire et spécificité, Laboratoire Littératures et Réalités
. Les connaissances que nous avons tirées de ce chapitre serviront de base pour notre analyse purement linguistique dans les chapitres suivants.
CHAPITRE II
ANALYSE LEXICALE DU TEXTE PUBLICITAIRE
La publicité est classée parmi des textes argumentatifs, en ce sens que le but de la publicité est de persuader le client potentiel d’acheter le produit. Pourtant, à la recherche de la nouveauté et de l’originalité, les publicitaires empruntent aussi aux autres types de discours. Le cas le plus fréquent est le glissement de l’argumentation à la description ou à la narration qui est parfaitement mis en scène dans les publicités de Peugeot et de Tuborg :
« .... La caisse tout acier de la 806 est construite selon une architecture qui donne une rigidité maximale à l’habitacle. Le plancher plat est continu, il est soutenu par plusieurs traverses et quatre longerons longitudinaux. Le pavillon est renforcé par deux arceaux. ... » (Peugeot)
« ... Je venais de décider une petite pause pour recharger les batteries et admirer ce magnifique lever du jour. Aurélie était montée d’un bon rythme et, bien emmitouflée dans son ANNAPURNA, elle profitait d’une barre de chocolat. En tant que professionnelle de la montagne, j’avais conseillé à Aurélie pour sa première grande course de prendre des vêtements SCHÖFFEL pour leur coupe, leur résistance et surtout leur technicité. ... » (Tuborg)
Cette diversité du genre ainsi que la subtilité des publicitaires dans la création publicitaire nous incitent à analyser cette « forme d’art »,24 Op. cit. p.152
qui, selon Leo Spitzer, « n’en offre pas moins un « texte » où nous pouvons lire, aussi bien dans ses mots que dans ses procédés littéraires et picturaux, l’esprit de notre temps et le génie de notre nation ... ».
Notre première remarque porte sur la langue publicitaire qui répond à un grand paradoxe. D’une part, elle doit se rapprocher du consommateur pour être comprise de lui, elle utilise donc des mots qu’il connaît et parle son langage. Mais, en même temps, elle s’écarte de la norme. Afin d’atteindre cet objectif, les publicitaires recourent à différentes stratégies lexicales parmi lesquelles la néologie et les figures de rhétorique jouent un rôle de premier plan.
1. Néologie ou créativité lexicale
À propos de la néologie publicitaire, il y a des opinions différentes et même contradictoires. Certains accusent la publicité d’abîmer la langue. Grandjouan regrette, par exemple, « la surenchère verbale des réclamiers [qui] fausse le français en l’abrégeant de force » GRANDJOUAN J.O., 1971, Les linguicides, Paris, Didier, p.253
. Thévenaut condamne « les agressions caractérisées [...] des étrangetés néologiques propres au commerce et à la publicité. » THEVENOT J., 1976, Hé ! La France, ton français fout le camp, Gembloux, Duculot, p.118
. Par contre, d’autres estiment que la publicité est un lieu de création et « examinent de près les spécificités stylistiques et communicatives d’une sorte de langue dans la langue ». ADAM J.M. et BONHOMME M., op. cit. p. 158
En observant le corpus, nous constatons que loin d’être des aberrations répréhensibles, les publicités enrichissent la langue avec des phénomènes linguistiques habituels parmi lesquels la néologie en est un des plus sollicités, car la nouveauté suscite toujours la découverte, la réflexion, et donc la mémorisation :
« Avec Carrefour, je positive. » (Carrefour)
« Photovitaminez-vous les cheveux ! » (Photovitamines)
La langue de la publicité utilise toutes les formes de créativité lexicale présentes dans la langue courante telles que néologie phonétique, sémantique, syntagmatique, d’emprunt. Pourtant, comme dans la langue courante, certains procédés sont particulièrement privilégiés par les créateurs de publicité, par exemple le mot-valise, la modification orthographique, le changement de classe du mot.
1.1. Mot-valise
Le mot-valise Le mot-valise est un jeu de mots qui consiste à prendre deux mots ayant une partie commune et à les mêler pour faire un néologisme. Au contraire de la composition et de la dérivation, dans la création d'un mot-valise les constituants de départ s'étant télescopés ils ne sont plus entièrement reconnaissables. Le processus de fusion utilisé consiste le plus souvent en une haplologie : la partie commune des deux mots n'est pas répétée. ...
est un procédé de néologie lexicale de plus en plus fréquent dans la société française. Né dans la littérature (Rabelais), il y a pris son essor au fil des siècles et se trouve aujourd’hui exploité dans de multiples domaines, comme la publicité, le journalisme, les vocabulaires techniques, etc.
Beaucoup de marques commerciales sont formées par ce type de création lexicale en jouant sur les connotations, la mémoire et l'imaginaire collectifs :
- Valvert (eau minérale): val (connotation d'abri, d'intimité...) et vert (connotation de fraîcheur, d'écologie)
- Safrane (voiture) : safari (connotation d'aventure) et savane (connotation exotique)
- Chemisologue: idée de rigueur scientifique (ethnologue, cardiologue...) pour un fabricant de chemises
- Éconergie : économie et énergie
- Spormidable : sport et formidable
- Festivolailles: "festival" (connotation festive et culturelle) voisine de façon amusante avec "volailles" (registre gastronomique, champêtre...)
Les quatre premiers mots constituent une combinaison jugée savante qui exige sans doute au lecteur un certain effort de compréhension. Pourtant, il est à noter qu’un petit effort de réflexion ne dérange pas le lecteur mais, bien au contraire, cela lui apporte même une petite joie quand il réussit à trouver l’intention du publicitaire. Cela lui permet de retenir facilement les mots nouveaux et donc le produit. Les deux autres sont plutôt amusants et surprenants. Si « spormidable » impressionne le lecteur par sa sonorité inhabituelle, « festivolailles » est un « mariage asymétrique » entre une notion de festivité et d’une notion populaire.
Dans une campagne récente de la société Zurich assurances, les mots-valises comme “trempête” - intempéries (trempé et tempête), “frighorrifié” - glacé jusqu’au sang (frigo et horrifié)... ont pour but de renforcer la nuance des mots et de créer des effets spéciaux à ceux qui lisent l’annonce.
Pourtant, cette technique risque de donner un effet contraire si on doit mobiliser trop d’efforts pour comprendre le mot. Il vaut mieux l’appliquer pour le public qui a un certain niveau de connaissances et dans un contexte explicite.
1.2. Modification orthographique
Les modifications orthographiques permettent littéralement d’inscrire un mot dans un autre mot.
On peut introduire le nom du produit à l’intérieur des autres mots tout en les modifiant. De telles modifications ont été largement exploitées par la marque Perrier connue pour l’eau minérale naturelle gazeuse : «preaupagande », « expleausif », « niveau », « joyeau », « meaundial ». Dans cet exemple, tous les sons ayant une prononciation voisine de [o] sont remplacés par « eau ». La répétition de « eau » nous donne l’impression que l’eau Perrier existe partout et est aimée de par tout le monde.
Les publicitaires peuvent même inscrire le nom de la marque dans le slogan :
« Vacances à la Framçaise » (Fram)
« Jex four, c’est jextraordinaire. » (Jex)
Plus subtile est la modification orthographique dans l’annonce de Fiat qui joue sur l’impératif du verbe « lire » et sur le mode de « leasing » pour l’achat d’une voiture : « L’Uno Mambo ? 12490 FS net seulement. Ou alors, leasez attentivement ci-dessous.» (Fiat) (lire + leasing = leaser). L’effet de cette annonce est d’autant plus important que le mot « leaser » est un mot francisé. Ce mot « leasez » a un double sens : lire et acheter sous forme de leasing.
Ces modifications orthographiques justifient que tous les mots peuvent être modifiés si cette opération apporte une particularité à la publicité, ce qui est plus difficilement accepté pour d’autres types de textes.
1.3. Changement de classe du mot
Nombreux sont des slogans où le nom est utilisé à la place d’un adjectif, d’un adverbe ou d’un verbe. Ce nom est très souvent le nom de la marque ou du produit. Cet usage nous rappelle le mot schtroumf qui remplace tous les verbes dans la bande dessinée du même nom très connue des enfants français. L’expressivité du mot est dès lors inestimable. Le lecteur peut lui attribuer différents sens à son gré. De plus, il mémorise le nom du produit et la marque sans aucun effort.
On utilise très souvent le nom de la marque connue pour qualifier son produit :
« 205 GTI, plus GTI que jamais. » (Peugeot)
« Ça c’est très Ford. » (Ford)
« Quelque chose en vous est Dior. » (Dior)
Quel est le sens de « GTI », de « Ford » ou de « Dior » dans ces annonces ? Personne ne peut être sûr de sa réponse. Seule une chose est sûre, c’est que ces adjectifs désignent quelque chose de qualité et de haut de gramme dont la possession sera un grand plaisir, un grand bonheur.
Les noms communs font aussi l’objet du changement de classe. À travers les adjectifs « poisson » et «chocolat », Pêcheur de France et de Danessa veulent peut-être souligner que leurs produits sont sains et naturels.
« Complètement poisson. » (Pêcheurs de France)
« Danessa, une mousse tellement chocolat. » (mousse chocolat Danone)
En tant qu’adverbe, le nom de la marque de fromage Entremont dans son slogan « C’est Entremont bon » renvoie à l’adverbe «extrêmement » par sa prononciation et sa combinaison syntagmatique dans la phrase.
Quand le nom remplace un verbe, il est conjugué tout comme un vrai verbe.
« Rowentez-vous la vie. » (Rowenta)
« Je me rowente la vie. » (Rowenta)
« Free shoesez-vous. » (Free shoes)
« Laine-moi. » (Berger du Nord)
« Snappez votre fil » (DMC Loisirs Créatifs)
La détermination du sens des noms-adverbes dans ces slogans n’est pas facile. Le lecteur a une grande liberté d’interpréter sans que le publicitaire doive tout expliciter. Il s’agit d’une coopération entre le publicitaire et le lecteur dans la construction du sens.
L’étude de ces exemples de la créativité lexicale nous permet d’estimer que peu de mots et beaucoup de non-dits font partie de l’art des grands messages publicitaires et que les usages jugés en violation avec le système linguistique accélèrent le rendement affectif de la communication publicitaire.
Pourtant la créativité publicitaire ne se contente pas d’amuser le lecteur avec des moyens lexicaux frappants et « joyeaux ». Elle joue aussi sur les signifiants, ce qui est bien sûr à mettre en rapport avec la notion de « fonction poétique » Le message est centré sur lui-même : recherche de la forme, du style.
(comme l’entend R. Jakobson) qui se manifeste dans la publicité par l'emploi permanent de figures de rhétorique traditionnelles.
2. Figures de rhétorique
Les figures de rhétorique ont un tel pouvoir dans un message publicitaire qu’elles arrivent à faire disparaître le message et les arguments qui l’accompagnent. Parmi tant de figures, la métaphore, la métonymie et l’hyperbole sont les plus fréquentes dans les messages publicitaires. Analysons tout d’abord la métaphore, qui est nommée par Jacques Lacan « une opération de sorcière ».
2.1. Métaphore
La métaphore est une figure d’analogie (relation fondée sur la ressemblance) par laquelle on substitue à un mot un autre mot sous l’effet d’une comparaison qui reste implicite, sous-entendue. Elle rapproche ainsi un comparé et un comparant sans terme de comparaison. Parfois, le comparé est absent, et la métaphore peut alors se transformer en véritable devinette. Prenons le cas des associations inattendues dans les slogans de Migros, Fiat :
« Le pain est le sel de la vie. » (Boulangerie Migros)
« La pêche sans les noyaux » (Fiat Panda)
L’usage de ces métaphores vise à valoriser les qualités du produit dans l’espoir d’éveiller l’intérêt et surtout susciter le désir de le posséder. Quand on compare le pain de Migros avec le sel de la vie, on veut considérer que plus qu’un aliment énergétique, le pain, surtout le pain Migros, fait partie des éléments indispensables à la vie de l’homme. « Le sel de la vie » renvoie au plaisir, à l’essence de la vie.
Le slogan de Fiat donne suite à beaucoup d’interprétations. D’abord, se référant à un fruit attirant et délicieux, une innovation technique comme Fiat fascine tout le monde une fois qu’on la voit. De plus, l’expression « avoir la pêche » sert aussi à désigner familièrement « avoir de l’énergie ». La métaphore de Fiat laisse également deviner l’énergie que peut déployer la voiture en question. Enfin, il est possible de pousser la vision métaphorique de ce slogan en comparant les « noyaux » à des « problèmes » que l’on rencontre en mangeant la pêche. Ce slogan peut donc se comprendre de la manière suivante : « une voiture avec beaucoup d’énergie sans les problèmes techniques ».
La substitution n’est pas seulement mise en œuvre dans le cas des noms mais aussi pour d’autres classes de mots.
« On peut avoir des envies folles et garder la tête sur les épaules. PEUGEOT 306, c’est bien réfléchi.»
« Vous avez des idées larges. Elle aussi. PEUGEOT 406. »
L’image métaphorique dans ces exemples est construite sur la structure caractérisante de type nom + adjectif. Ce qui est surprenant dans ces métaphores, c’est la combinaison entre "idées" et "larges", "envies" et "folles" qui fait passer d’un registre de sentiment ou de pensée à un registre beaucoup plus concret. Cette association inhabituelle sert à renforcer le degré d’expressivité de ces deux adjectifs. « Les envies folles » ne désignent certainement pas des envies anormales, mais celles qui semblent irréalistes. Ce slogan de Peugeot sous-entend que Peugeot peut transformer l’impossible et le mettre dans le domaine du possible. L'expression « avoir des idées larges » désigne le fait d'avoir une grande ouverture d'esprit, d'où une plus grande tolérance face à la modernité. Ainsi, ce slogan mentionne indirectement le caractère moderne de la voiture. D'autre part, le mot "large" fait aussi penser au "grand large" des marins et cela accentue l'idée des grands espaces où cette voiture peut nous conduire. Ce slogan, en quelques mots seulement, fait la promotion de la modernité et de l'évasion de cette voiture.
Quant aux exemples de Nescafé et Evian, le recours à l’infinitif fait naître des effets de bonheur et d’euphorie :
“Boire Evian, c’est respirer à 3000m.”
“Grandir, c’est Neslé.”
Avec la publicité Auto-Journal, la relation métaphorique se fait par l’intermédiaire de «de»
“La route des étoiles et les étoiles de la route.”
Par la préposition “de”, ces publicités mettent en jeu une relation d’appartenance où “route” est associé à “étoiles”, ceci justifie la spécialité de l’Auto-Journal dont profitent les passionnés pour les automobiles et surtout la course automobile. « La route des étoiles » fait référence à la fois à la course automobile et au journal qui présente les stars des courses automobiles.
Avec « association inattendue, analogie surprenante, effet empoisonnant, sens mystérieux, énigme perverse »
, la métaphore est la figure idéale pour charmer le lecteur.
2.2. Métonymie
La métonymie (du grec metônumia, « changement de nom ») est une figure de rhétorique par laquelle un concept est dénommé à partir d'un mot désignant un autre concept. Ces rapports logiques peuvent être de natures différentes : le contenant pour le contenu, l’instrument pour l’utilisateur, le lieu pour la chose ou la personne s’y trouvant, le lieu d’origine ou fabricant pour le produit, etc.
Cette dernière valeur de la métonymie est la plus présente dans la publicité. En effet, chaque fois qu’on annonce un produit par la marque de fabrication, on utilise la métonymie comme une Camaro, un Chanel, un Skidoo, une Renault, une Keton …
« Vous vous changez. Changez de Keton. » (montre Keton)
« Un jour sans Bic, c’est la barbe. » (Bic)
On appelle aussi souvent le nom du produit par son lieu d’origine surtout les vins comme le Beaujolais, le Bordeaux :
« Retrouvez les Beaujolais Villages. »
« Bordeaux, la couleur singulièrement plurielle. »
Le rapprochement métonymique de la publicité Total est fait sur la base de contenant à contenu :
« TOTAL. La route vous a lessivés, nous allons vous rafraîchir ! »
Dans cet exemple, le terme "route" n’est plus utilisé au sens dénotatif, mais pour désigner une abstraction, c’est-à-dire l’ensemble des obstacles et frustrations causés par le parcours. D’ailleurs le signifiant linguistique "rafraîchir", par sa forme métaphorique, renvoie à lubrifiant, carburant ou énergie. L’annonceur veut justifier le slogan de la marque “Vous ne viendrez plus chez nous par hasard”.
La métonymie dans la publicité de Badoit est aussi construite sur la relation contenant/ contenu :
“Badoit bouteille en verre, recommandée par les belles tables.” (Eau gazeuse Badoit)
Au sens tropologique, « belles tables » est une métonymie pour les restaurants classés. Dans ce contexte, le contenant “bouteille” dérive vers une dénotation du contenu “eau gazeuse”. Ce slogan démontre que Badoit est une boisson parfaitement à sa place dans le cadre d’un dîner dans un bon restaurant.
Le même mot “table” dans une autre publicité de Badoit désigne les invités :
“L'eau des tables légères.”
Dans le slogan de Ricard “Un gin fizz au zinc? Non, un Ricard dans l'avion”, le mot “zinc”, un comptoir dans un bar, est la métonymie du bar, du bistro qui se réfère à l’image "au sol" tandis que le mot “avion” renvoie à l’image "aérienne". Mais dans le langage familier, un "zinc" désigne aussi l'avion de type ancien (souvent un avion de l’après-guerre) par opposition aux avions plus récents... Il y a peut-être aussi une idée de modernité dans ce slogan. Celui qui boit un gin au zinc est dénoté comme ancien alors que celui qui boit un Ricard dans l’avion porte une connotation plus moderne. C’est ce qui est bien subtil dans cette métonymie.
Très utile pour construire des généralités et éviter la redite, les publicitaires l'utilisent fréquemment. La force du détail singulier l'emporte sur la banalité de l'ensemble. Cette figure « économique » renouvelle l’image du produit et celle de la marque.
2.3. Hyperbole
Comme nous l’avons dit dans le chapitre précédent, l’hyperbole est omniprésente dans la publicité et fait partie de la technique publicitaire. On trouve une certaine nuance hyperbolique dans presque toutes les publicités au niveau iconique aussi bien qu’au niveau linguistique.
Il existe des hyperboles qui violent même les restrictions de sélection :
“Les jambes ont la parole.” (Well)
“Cartes Bleu Visa. Elle parle toutes les langues.” (Cartes Bleu Visa)
“Vous allez voir ce que vous allez entendre.” (CD Video)
“Si les poissons pouvaient parler, ils vous conseilleraient Hykro.” (Hykro)
Ces slogans choquent les lecteurs par des combinaisons incompatibles et irréelles. Cela fait appel à la “théorie de l’information” : plus l’apparition d’un mot est probable, moins il est informatif.
Nous constatons que les publicitaires ont une prédilection pour le superlatif en vantant la qualité rare du produit :
“Le meilleur emplacement pour le meilleur placement.” (Le Méditerranée)
“Les plus petites choses peuvent faire le plus grand plaisir.” (Appareil photo Nikon)
“La plus silencieuse des lave-vaisselle.”(Bosch)
“Le plus grand des petits câlins.”(sac Lancel)
“Le meilleur prix étudiant avec Campus.” (Campus)
Un autre exemple d’hyperbole très amusant et intelligent, c’est celui de Seat :
“Seat Arosa. Les femmes ne s’intéressent qu’à leur voiture.” (Seat)
On ne peut bien comprendre l’aspect humoristique et exagéré du message qu’avec l’image où un homme est en train d’allaiter son enfant. La publicité sous-entend qu’avec Seat Arosa, les femmes risquent même d’oublier leur nature d’être mère pour ne penser qu’aux grands voyages dans leur belle voiture.
Existe-t-il la relation entre l’amour et l’automobile ? Oui, c’est le cas dans la fameuse publicité Fiat :
“Comment rencontrer l’amour
grâce à la Cinquecento ?
La Cinquecento consomme très peu.
Donc vous faites des économies.
Donc vous avez de l’argent.
Donc vous pouvez le jouer.
Donc vous pouvez le perdre.
Donc vous êtes malheureux au jeu.
Donc heureux en amour.
Fiat Cinquecento. La voiture qu’il vous faut, Donc.
Cinquecento prix net à partir de 43 800 F,
hors aide gouvernementale.” (Fiat )
À travers ces exemples, nous comprenons pourquoi la caractéristique des messages publicitaires est de toujours exagérer. Une publicité qui présente le produit tel quel n’attire personne bien que tout le monde aime la vérité. Afin de solliciter le désir du lecteur, “le discours surimpose volontiers à la substance même de l’objet une valeur étrangère” DYE M., op. cit
. Et à force d’écouter des informations hyperboliques, nous arrivons enfin à les accepter comme une évidence.
Ces figures de rhétoriques jouent non seulement un rôle esthétique afin de positiver ou d'embellir le réel mais elles ont aussi une valeur argumentative très persuasive car elle repose sur l'affectif. Au sujet du sens des mots, on ne peut pas se passer des relations de sens qui font moins appel à l'intelligence et demandent moins d’effort de compréhension mais ne sont pas moins importantes dans la création publicitaire.
3. Relations de sens
Il est évident qu’on ne peut pas comprendre une publicité sans découvrir le sens des mots constitutifs. Les créateurs de publicité profitent au maximum des effets de sens dans le but de biaiser l’attention du lecteur vers le produit. Nous prenons ici comme cadre surtout les relations de sens classiquement décrites en sémantique : antonymie, hyperonymie et hyponymie, homonymie, polysémie.
3.1. Antonymie
L’antonymie L’antonymie est un rapport sémantique existant entre des mots dont les sens sont “opposés”.
est un procédé très utilisé dans le langage courant aussi bien que dans le langage journalistique et publicitaire. Cette relation de sens se retrouve sous bien des formes plus ou moins sophistiquées. Les antonymes peuvent être verbes, adjectifs, noms, adverbes ou prépositions. Il s’agit des antonymes de même classe ou de classe différente. Voici des exemples qui justifient cette diversité des antonymes dans les messages publicitaires :
- Les antonymes placés au début du fragment:
« Loin des yeux près du cœur.» (Whisky Chivas)
« Dur avec la saleté, tendre avec les couleurs.» (lessive Mir)
« Moins on roule, plus on va vite.» (Air Inter)
- Les antonymes placés en fin du fragment :
« On peut vivre sans, mais c’est tellement mieux avec. » (bijoux Christofle)
« Un paradis pour tous les enfers.» (Nissan)
« Regardez de près pour voir loin.» (Crédit agricole)
« Le couscous vous le connaissez comme là-bas. Découvrez le comme chez nous.» (Petit Navire, les plats préparés)
- Les positions structurales comparables :
« Quand on achète un petit Kaly, on achète un grand téléviseur. »
« Ce sont aussi les petits détails qui font les grandes voitures. » (Nissan)
- Les antonymes dans la dépendance de l’autre :
« La douce violence d’un parfum d’homme.» (Drakkar)
« L’énergie douce.» (Fruit’up)
« La petite géante.» (Volkswagen)
- Les antonymes dites supercherie linguistique :
« Le plus grand des petits câlins.» (lessive Soupline)
« Le plus grand des petits déjeuners.» (céréales Kellog’s Corn Flakes)
Le point commun des antonymes dans ces publicités, c’est la valorisation du produit et donc celle de tous ceux qui le possèdent.
Si les antonymes cités ci-dessus sont évidents et faciles à repérer, ceux de H&M sont plus subtils où l’antonymie n’appartient pas à la langue :
« Vous choisissez entre confort et beauté ? Moi pas. » (Prêt à porter H&M)
Ce slogan présuppose que plus un vêtement est confortable, moins il est beau et vice versa. Notre annonceur conteste cette fatalité de cette antonymie pour proposer une conciliation entre ces deux qualités.
Il va de soi que l’emploi des antonymes dans la publicité vise à attirer l’attention du lecteur sur la supériorité du produit par rapport aux autres comme le cas de l’hyperonymie/ hyponymie.
3.2. Hyperonymie et hyponymie
Comme la publicité comparative entre les deux produits est interdite selon la loi, la comparaison doit jouer de manière plus subtile. Canon a transformé l’interdiction de la loi en un slogan très connu :
« Nous avons malheureusement pas le droit de comparer notre nouvelle BJC-5100 à d’autres imprimantes.
Mais vous, vous le pouvez. » (Canon)
Ou bien nous ne pouvons que sourire de l’ingéniosité du procédé de Télé2 lorsqu’il lance une campagne de chasse au trésor, promettant une prime de 1000 francs à celui qui trouverait un prestataire plus avantageux :
« Nous cherchons : un prestataire plus avantageux que Télé2. Prime : Fr.1000. » (Télé2)
C’est la mise en œuvre de l’hyperonymie L’hyperonymie est la relation sémantique hiérarchique d'un lexème à un autre selon laquelle l'extension du premier terme, plus général, englobe l'extension du second, plus spécifique. Le premier terme est dit hyperonyme de l'autre, ou super ordonné par rapport à l'autre.
et l’hyponymie L'hyponymie est la relation sémantique d'un lexème à un autre selon laquelle l'extension du premier est incluse dans l'extension du second. Le premier terme est dit hyponyme de l'autre.
qui est le meilleur moyen de privilégier un produit par rapport aux autres de même classe sans nommer ces derniers. Il convient maintenant de voir de quelles façons s’effectue la comparaison in absentia :
- À l’intérieur de la classe, X est mieux, est différent, est autre chose :
« Omo lave plus blanc. » (Omo)
« Avec Saint Maclou, le carrelage, c’est autre chose. » (carrelage Saint Maclou)
Par la curiosité, tous ceux qui entendent les slogans de ce type veulent essayer le produit pour vérifier cette différence.
- X est le meilleur représentant de la classe :
« On ne peut égarer une cerise parmi des cerises, on ne peut égarer une Lancia parmi des voitures. » (Lancia)
« Des pâtes, des pâtes, oui mais des Panzani. »
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